En ce début du mois de mai, alors que les journées se font tranquillement plus douces, je vous propose de vous approcher de l’un de nos cinq sens : le toucher. Et pour ce faire, quoi de mieux qu’un voyage à travers l’histoire des massages ?
Le contact physique joue un rôle central dans nos vies dès la naissance et même… dans l'utérus. Il est essentiel pour le développement affectif et moteur des nouveaux nés et constitue leur premier mode d’accès au monde. Pour les adultes, le toucher dans les différentes étapes et moments de la vie n'est pas moins important, diminuant le risque de maladie et favorisant le contact avec le monde extérieur.
Depuis la nuit des temps, le premier réflexe à l'apparition d'une douleur est de porter la main, de frotter ou d'appuyer sur la zone sensible. Le soin manuel a plusieurs objectifs : calmer, soulager, détendre, stimuler, etc. Du bien-être à la récupération après une blessure, l'histoire recense de nombreuses techniques manuelles de friction ou pression du corps.
Histoire(s) du massage
D’après certaines sources, des peintures rupestres datant de 15 000 av. J-C, trouvées dans les Pyrénées, montreraient des personnages recevant des massages, peut-être à des fins thérapeutiques. Autant dire que cela ne date pas d’hier ! On trouve des représentations de massage dans une tombe en Égypte, et des textes mésopotamiens datant de 2000 ans av. J-C en décrivent l'utilisation. Il faut cependant remonter de quelques siècles pour trouver en Inde des textes qui prescrivent des massages de façon systématique. Cette pratique est toujours une branche importante de la médecine ayurvédique au même titre que la phytothérapie ou le yoga.
Le Nei Jing ou Classique de l'Empereur jaune, grand classique de la médecine traditionnelle chinoise, lui-même une compilation de textes datés de 500 av. J.-C. à 220 ans ap. J.-C. - évoque le massage sur plusieurs chapitres. Le tuina est un massage thérapeutique rythmé et dynamique qui utilise une grande variété de manipulations, de vibrations, lissages, pétrissages. Transmis de génération en génération, ces gestes font toujours partie du quotidien des familles chinoises, naturellement. Vers le VIᵉ siècle avant notre ère, des moines japonais, de passage en Chine, auraient découvert ces techniques et les auraient importées au Japon.
(Vous pouvez retrouver l’histoire de la médecine traditionnelle japonaise dans mon livre !).
Le massage en Occident
Si l’intérêt suscité par les pratiques de massage depuis le siècle dernier vient de la rencontre teintée d'exotisme avec des traditions non-occidentales, l'Europe a aussi son histoire des techniques manuelles. Les Grecs l’employaient à des fins thérapeutiques : Hippocrate, l’un des pères de la médecine occidentale moderne, le prescrit spécifiquement pour soigner des blessures. Chez les Romains, empereurs et gladiateurs se faisaient masser à l’huile d’olive. Avec la chute de l’Empire romain d’Occident, les savoirs médicaux grecs seront de fait perdus jusqu’à la traduction, à l’époque de la Renaissance, du traité de médecine d’Avicenne, qui les avait compilés autour de l’an 1 000.
Au Moyen-Âge, le massage est proscrit et exclut des techniques médicales sous l'influence du christianisme, car considéré comme immoral par l'Église. Il se passera plusieurs siècles avant qu'il ne soit plus uniquement associé à la sensualité du contact corporel.
C’est au XIXe siècle que le massage retrouve une véritable popularité, avec la naissance du massage suédois (dont l’invention revient à… un Néerlandais !). Bien connue du grand public, elle consiste en une manipulation du corps par pétrissage, friction ou percussion, parmi d’autres techniques. Le regain d’intérêt pour des pratiques venues d’autres sphères culturelles a contribué par la suite à ce que toute une gamme de méthodes soient aujourd’hui proposées en Europe.
La touche japonaise
La médecine traditionnelle japonaise a sa propre technique de massage : le shiatsu, issu du massage traditionnel japonais ancestral, l'anma. Il s’agit plus exactement d’une forme d'acupression, où l'on utilise surtout les pouces, mais aussi, selon les Écoles, la paume ou le coude pour palper et appuyer, souvent profondément. Les sensations peuvent être fortes, ceux qui viennent au cabinet peuvent en témoigner !
Le shiatsu va avoir une action antalgique par la régulation du système nerveux autonome, la tension musculaire diminue et laisse place à un état de détente, la circulation sanguine et lymphatique s'améliore. La personne qui reçoit le soin reste par ailleurs habillée pendant la séance, contrairement à un grand nombre d'autres formes de massage qui se font directement sur la peau.
Le shiatsu n'est pas la seule technique japonaise qui nécessite une grande sensibilité du toucher. La finesse de la palpation est la principale caractéristique de la médecine traditionnelle japonaise (MTJ). Primordiale, cette capacité à ressentir par le simple contact les variations ou tensions du corps est le socle des différentes disciplines de santé développées dans le pays depuis le VIe siècle.
La palpation et la qualité du toucher sont au cœur de la moxibustion japonaise, par exemple. Cette technique, longtemps prédominante pour la santé au Japon, utilise la chaleur de la combustion de l'armoise. Elle nécessite que le praticien soit dans une écoute fine et sensible du corps pour trouver les points précis où poser le cône d'armoise. Là encore, c'est la palpation qui dirige le travail.
D'autres techniques utilisent toute une série d’outils - tige à tête ronde, petits “râteaux“, cônes, aiguilles de contact ou invasives, etc.… Ils servent à stimuler des zones du corps ou des points de différentes manières. Mais toujours, la main vient au contact pour constater, ressentir les changements qui se produisent au fur et à mesure de la séance et adapter le travail. Les modifications sont perceptibles très vite pour le praticien et le client.
D'autres “outils“ que les mains peuvent intervenir dans le massage. Le sokuatsu, massage japonais avec les pieds, est aussi une histoire de toucher, certes moins habituel qu'avec les mains, mais tout aussi sensible. Complémentaire du shiatsu, sa puissance est très intéressante pour agir sur des problèmes circulatoires et lymphatiques, pour défatiguer le corps, relâcher les fascias et permet par exemple de travailler notamment sur des sportifs en préparation et/ou récupération. Je vous propose aussi depuis quelques semaines cette technique dans mon cabinet.
Avant tout, il faut garder à l'esprit que le toucher est au cœur du travail des practicien·nes. Développer la sensibilité est nécessaire pour déterminer comment la séance doit être menée. Autrement dit, c’est en touchant le corps - en découvrant ses raideurs et indurations, ses vides, la chaleur ou le froid qu'il dégage - que l’on peut comprendre ce qu’il faut faire.
Loin d’être un simple complément de la vue, le toucher est un sens primordial, vital et essentiel aux humains.
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